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    Côte à côte (5)

     

    Il appelle ça « des vacances ». Ah ouais, parlez-moi de vacances. En fait, pour moi, les « vacances sur la Côte », c’est surtout grimper la côte, quatre sacs pleins à craquer sur le dos. La même quantité de travail qu’hors vacances, multipliée par quatre. Les courses, la bouffe trois fois par jour pour quatre personnes, dont deux ados en pleine croissance, la vaisselle, le rangement, la lessive, tout ça sans l’électroménager de la maison, et sans aide parce qu‘on est en vacances : "tu as le temps, tu peux bien laver trois assiettes et deux paires de chaussettes, on ne va pas payer le ménage alors qu’on peut le faire nous-mêmes". Sauf que « nous », dans les faits, c’est moi. Les deux ados scotchés sur leur écran, le paternel scotché… à son transat. Il doit être aimanté, le transat, tellement il n’en décolle pas. Ils sont devenus siamois, je crois. Sa Seigneurerie doit avoir les fesses du jaune du tissu, ou le transat se tapisser de poils de cul.

     

    « J’ai besoin de me reposer, tu comprends. Je travaille tellement dur toute l’année. Toi, tu es à temps partiel, tu as le temps de te reposer et de profiter de tes jours libres ». Si mes jours libres l’étaient vraiment, oui... Mais comme ils sont « libres », ils sont dédiés à tout ce que Mister Temps Plein n’a pas le temps de faire : aux contrôles médicaux des enfants, aux réunions parents-profs, à la paperasse, aux courses alimentaires et non alimentaires, à l’accueil des artisans, du facteur, du livreur, des employés pour le relevé des compteurs ; aux imprévus comme jouer la garde-malade, aller récupérer les colis à la poste, aller récupérer les enfants à l’école en cas d’absence de profs, en cas d’absence de bus, aller récupérer les pièces manquantes pour réparer tel truc au magasin d’outillage, aller récupérer les médicaments à la pharmacie, trois fois rien, juste les gouttes ophtalmiques tous les quinze jours pour l’aîné, la Ventoline pour l’asthme du cadet et les remèdes miracle pour Mister Temps Plein, qui se croit mourant dès qu’il a un rhume … Parallèlement, au boulot, je dois abattre avec un temps partiel le boulot d’un temps plein, parce qu’ils n’ont engagé personne pour le 2e mi-temps : je travaille pour deux avec un demi-salaire.

     

    Si encore il n’y avait que les vacances, bon, je me dirais : ok, c’est deux mois de galère à passer, serre les dents, c’est seulement un sixième de l’année ! Mais en plus des vacances, il y a la préparation des vacances (étudier dès janvier ou février les catalogues, les sites, choisir la destination, l’hébergement… « parce que sinon, tu sais comment c’est, quand on voudra partir, tout sera pris ou hors de prix » !), et aussi le retour des vacances : trois valises de linge sale à laver, trier, repasser, ranger ; les courses à refaire, les légumes à cuisiner (« ils ont de bons produits locaux et frais là-bas, profitons-en pour en rapporter ! »), le quotidien à remettre en route, accessoirement du boulot à préparer pour mon mi-temps-compte double. Des broutilles !

     

    Ah, et j’oubliais : le soir, vacances ou pas vacances, en plus d’être épouse et mère, je ne dois pas oublier d’être aussi amante : parfumée, pomponnée, aguichante, amoureuse et entreprenante. Tout un programme !! « Ah bon, tu es encore fatiguée ? Mais de quoi ?? »

     

    De quoi ?? D’être la femme à tout faire de ces Messeigneurs, Sire Plein Temps et ses deux vassaux pubertaires, dynamiques et causants comme des endives. Alors vous savez quoi ? Les vacances, les prochaines, vous les passerez entre vous. Je me casse avec mes copines Temps Partiel et Mères au Foyer, vous passerez les vôtres où vous voudrez, à la maison ou à l’hôtel, mais sans moi. Ciao, Messeigneurs, le Moyen-Âge, c’est fini. Sortez vous les doigts du cul et vous verrez que vous pouvez en faire quelque chose, il y en a quand même dix, ça laisse du choix et de la liberté. Comme un temps partiel !

     

     

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