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     Côte à côte (13)

     

    "Les vacances sur la Riviera, tu parles d’un cadeau…

    -Ouais... C’est le bagne.

    -On serait mieux à Alcatraz. En plus, je dois porter ce foutu pull à côtes, parce que c’est la Nonna qui l’a tricoté, et qu’elle fera une crise si je le porte pas. Il fait mille degrés, putain ! Je fume dedans comme une cocotte-minute !

    -Je suis pas plus gâtée avec la jupe en simili-cuir cousue par la voisine...

    -C’est sûr qu’avec la jupe en cuir et les chaussettes blanches qu’ils t’obligent à porter avec, t’as autant de charisme qu’une bombe sexuelle en uniforme.

    -M’en parle pas… j’ose même pas croiser mon image dans le miroir, il me manque plus que les nattes et les lunettes loupe pour incarner la parfaite gourdasse.

    -Notre ultime hope, c’est que le vintage redevienne fashion, sister ! Parce qu’entre moi avec mon pull de grand-father et toi avec ton look de première de la classe, si on tente un flirt, j’ose pas imaginer the result…

    -« Vous allez faire des ravages », qu’ils promettaient, les vieux ! « De beaux jeunes comme vous, avec de l’argent et du style, c’est le jackpot assuré : vous aurez toute la Côte à vos pieds, vous n’aurez plus qu’à pêcher qui vous préférez ! »

    -On va pêcher le homard, ouais ! Rouge de honte !

    -Ou tous les râteaux de la plage !

    -De toute façon, ya que des vieux riches à gourmette et des vieilles snobs à caniche ici, qui tu veux harponner ?

    -Déjà, je comprends même pas comment on peut venir en vacances tous les ans au même endroit, dans ce trou du cul où y a même pas une boîte de nuit, alors qu’il y a tant d’autres endroits possibles... Même le baroudeur avec son sac à dos, là, tu l’as vu, celui qui vient de passer, plus trempé qu’un système d’arrosage ? Eh ben, même lui, avec son sac qui pèse un gnou, ses cheveux gras et ses chaussettes qui puent, je suis sûr qu’il est plus heureux que nous et qu’il a plus de chances de faire une belle rencontre avant ce soir.

    -On fait quoi, on siphonne un cargo et on se suicide au mazout ?

    -Ou on bute les darons au harpon ?

    -Pas la peine, je pense qu’ils vont pas tarder à se buter entre eux… la seule vraie question, c’est lequel va étriper l’autre en premier. Plus ils vieillissent, plus ils se bouffent le nez, t’as remarqué aussi ?

    -Yep. Je parie sur le reup.

    -Papa ? Pourquoi ?

    -T’as vu comment la daronne le harcèle depuis qu'on est ici ? Le gars est en mode Vésuve. Pas une minute où elle est pas en train de l’asticoter, de lui faire des reproches ou de lui commander un truc.

    -Bah, il est pas d’un caractère facile non plus, hein. Comment tu veux avoir une conversation avec quelqu’un qui dit jamais rien ?

    -Comment tu veux avoir une conversation avec quelqu’un qui cause pour deux ? Elle fait les questions et les réponses. Enfin, surtout les réponses, parce que les questions, ça laisse encore trop de place à l’autre.

    -Elle lui pompe tellement l’air qu’il va finir le séjour en réanimation. Il a pas notre répartie, le pauvre. Il est trop gentil.

    -Trop gentil ou trop lâche ? Je lui remettrais les idées en place avec une bonne gueulante, moi, à la vieille. Je taperais du poing sur la table, faut montrer qui est le chef pour se faire respecter!

    -Pffffffffff, c’est bien  des méthodes de mec, ça. Toujours la violence !

    -T’as vu le succès de sa méthode non-violente, à lui ? Plus il l’amadoue, plus hargneuse elle est. Et puis… jalouse !! Mais jalouse !lll! Il regarderait distraitement le cactus en plastique de la terrasse ou une méduse affalée sur la plage qu’elle menacerait de lui arracher les yeux. Je la soupçonne de fouiller ses affaires et de regarder dans son téléphone la nuit.

    -C’est vrai qu’elle a du souci à se faire. A la place du daron, moi, j’irais voir ailleurs ! Elle a le sex appeal d’une planche de fakir et la douceur d’une fosse à crocodiles. J’espère que je lui ressemblerai pas !

    -Pourtant, quand tu vois les photos d’elle jeune, elle était pas mal !

    -Le daron aussi !

    -C’est par nostalgie de leur jeunesse qu’ils nous forcent à nous habiller comme dans les années soixante, tu crois ?

    -Pffffff, je sais pas, mais qu’est-ce que ça me broute, le style ringard !

    -Tu sais quoi ? L’an prochain, on leur dira qu’on préfère venir pour Carnaval, comme ça, on aura l’air costumés.

    -Tu sais quoi ? L’an prochain, on leur dira qu’on vient pas du tout ! T’auras eu ton permis, je serai presque majeure. On se tire sans eux, où tu veux !

    -Eeeeeeeeeh, minute, qui te dit que je préfère passer mes vacances avec toi ?

    -Tu préfères que je leur parle des gros seins sur papier glacé dans ton armoire, ou de la boîte de Durex dans ta table de nuit ? Il y a aussi le string de la voisine que tu as volé sur son fil à linge…

    -Mais… comment tu sais ça, toi ? Toi aussi tu fouilles ?!! Déjà comme ta mère ??"


     

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