« Tu n’as pas le droit ! Laisse-les tranquilles, le ciel n’est pas à toi ! -Ordre du Big Dark !, nous fut-il répondu : Trop d’astres, trop de lumière : à la benne, avec les détritus ! - Tu ne peux pas faire ça ! Les étoiles nous éclairent, elles apportent l’espoir Du fond de l’univers, elles illuminent le noir Elles diffusent soutien, amour, joie, paix, sagesse… -Justement, c’est gênant, c’est bien trop de largesses ! Le monde n’a pas besoin de toutes ces pacotilles. Le Big Dark ne jubile que quand vos larmes brillent. Vos peines et vos détresses sont pour lui des diamants, Vos rages, vos luttes, vos haines, des rubis rutilants, De toutes vos frustrations, il gave son trésor Il fond vos désespoirs en barres de lingots d’or …» De son râteau crochu, alors, le sbire noir A décroché du ciel toutes les étoiles du soir Et dans un grand fracas de splendeur mise à sac Il les a piétinées, sous nos yeux, toutes en vrac. « Mais ne fais pas cela ! Leurs branches vont se casser ! -Elles seront moins gênantes quand elles seront brisées ! -Pourquoi tant de colère, d’acharnement, de hargne ? -Elles sont bien trop brillantes : qu’elles aillent au bagne ! » Ainsi a commencé, ce soir-là, sur la Terre, Le temps des nuits sans lune, sans étoiles, sans lumière Le temps des voiles, des coups et des obscurantismes De la peur du voisin, des exclusions, des fanatismes. L’ombre étendit si bien son emprise jusqu’au sol Que les cœurs, un à un, fermèrent leurs corolles Et le soleil lui-même, fatigué de trop voir, Finit par déserter le sombre territoire. Dans cette nuit glaciale, hostile, éternelle, Big Dark , en ricanant, fit vider les poubelles Et répandit à terre, comme autant de trophées Les restes cristallins des étoiles sacrifiées. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’elles étaient des graines D’éternité venues, de toutes parts, changer l’espèce humaine Leurs fragments démembrés, et d’autant plus nombreux Se rassemblèrent sous terre en un seul et même feu Et quand vint le matin, au sortir du sommeil De plomb où Big Dark celait la planète, On vit, telle un cauchemar, s’évaporer la bête Car dans la nuit, la Terre s’était fête soleil, Chaque étoile tombée ayant fait voeu pour elle Qu’à chaque être brisé, il pousse au moins deux ailes. Si d'avenir vous voyez une étoile tomber, Ne dites pas : « C’est une chute », Sachez : c’est un baiser.
© Photo : Willy PIERRE, tous droits réservés
© Texte : Sylvie PTITSA, 16.07.2016
Ecrit le soir de l'attentat sur la Promenade des Anglais à Nice
A paraître dans le recueil "Arrêts sur images"
Présentation du recueil
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