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"Je n’ai pas le temps"." Je suis débordé(e)". "Je cours après le temps"."Je rêve qu'on m'offre du temps..."
C’est devenu une ritournelle. J’entends cette phrase dans la bouche de tous : chez mes élèves enfants ou adolescents, chez les actifs, chez les retraités… à croire que le temps est devenu une denrée encore plus rare et précieuse que l’énergie, et l’objet d’une crise tout aussi généralisée.
Pourtant, à bien y réfléchir, le temps n’existe pas. C’est un consensus, une solution pratique que notre mental a inventée de toutes pièces pour organiser le quotidien. J’ai constaté qu’une des choses les plus difficiles à comprendre et à intégrer, pour les enfants, est précisément ce découpage du réel en tronçons arbitraires : les jours de la semaine, les mois, les années, les heures… L’enfant vit au présent. Il n’a que faire du ressassement du passé ou des projections dans l’avenir. Il n’a pas besoin de se rappeler ce qu’il a fait hier (encore moins de le regretter) ou de se demander ce qu’il va faire dans une heure. Il vit. Il est. Cela lui suffit.
Moi non plus, je n’ai pas le temps. Je n’ai pas le temps de me mettre en souci pour tout et n’importe quoi et de gâcher la magnifique journée qui s’offre à moi. Je n’ai pas le temps de passer mes heures à des occupations sans intérêt, ou avec des gens sans intérêt, pour sauver les apparences et le qu’en dira-t-on. Je n’ai pas le temps de critiquer l’état du monde, les politiciens, la crise économique, la disparition des valeurs, la destruction de la planète ou tous les autres boucs émissaires que je pourrais vouloir rendre responsables de mon « malheur » cérébral. Je préfère mettre mon énergie (et mon temps !) dans la recherche de solutions réalisables à mon échelle et dans leur concrétisation. Je préfère cultiver le bonheur et le partager avec un maximum d’êtres autour de moi, même s’ils sont moins nombreux que ceux avec qui je pourrais cracher mon fiel et mes jérémiades dans la soupe.
Le monde n’ira pas mieux parce que je me plains, me désole, me rebelle, m’écoeure, me décourage ou me désespère. Plutôt le contraire, je présume… C’est vrai, je n’ai aucune garantie que ma foi en la vie aide le monde à aller mieux. Mais elle m’aide déjà à aller mieux, moi. Raison amplement suffisante pour la cultiver.
Quand je vivais à Metz, j’aimais emprunter une petite rue du centre-ville, la rue de la Chèvre : sur un mur, un cadran solaire délivrait un sage conseil aux passants attentifs (pour les retenir de devenir chèvres ?... j'ignore si le jeu de mots et de situation était voulu) : « Prends le temps, sinon il te prend ». (en photo ici)
J’ai pris le temps pour tout ce qui me semblait "importemps" dans ma vie. Voilà sûrement pourquoi je partirai sereine et sans regret, le jour où mon temps ici prendra fin.
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