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Il ne se lassait pas des couleurs du ciel. Tous les jours ce spectacle. Tous les jours différent. Chaque minute de chaque jour. Et gratuit, en plus… Il faut dire qu’il n’y avait pas si longtemps, il ne savait plus rien de la couleur du ciel. Il l’avait oubliée. Elle appartenait à un autre temps, à un autre monde, - un temps où il circulait encore normalement, sans ce poids sur le dos, sans ce nœud au fond de la poitrine, en un lieu où le danger ne se tenait pas en embuscade à chaque coin de rue et où chaque passant ne recelait pas une menace…
A l’extérieur, le ciel n’avait plus de couleur. La fumée et la poussière bouchaient l’horizon, supprimaient le décor. De jour comme de nuit, leur ombre opaque et suffocante occupait la ville, ensevelissant tout sous son plomb flou.
Même à l’intérieur de sa cachette, les rares rais de lumière qui filtraient entre les volets clos, cloués depuis la rue, avaient la clarté grisâtre de ces jours sans fin, de ces heures toutes pareilles, ni diurnes, ni nocturnes, de ces jours de traque, de faim, de froid, de terreur…
Secouant ses épaules, il franchit l’arche de pierre et se résolut à quitter l’ombre protectrice du vieux mur. Décidément, il ne s’y faisait pas… A pouvoir sortir sans danger de chez lui. A pouvoir marcher au grand air, sous ce ciel bleu, si bleu. Un ciel dont ne pouvait plus tomber aucune bombe. Sur des trottoirs encore entiers, que ne joncheraient jamais des cadavres fauchés par la faim, la maladie ou les tirs. Ici, même les chats morts, ils les ramassaient. Ils n’avaient pas besoin de les manger… ni les rats, non plus. Etait-il croyable qu’à quelques heures d’avion seulement, le cauchemar continue ?
Contrairement à eux, nés ici, il lui était impossible de ressentir comme une actualité irréelle les images de mort et de désolation, les échardes de honte crachées par la télé entre deux salves de cruauté ordinaire, tout aussi anodines que le génocide des siens. Ces scènes existaient dans sa chair avec une telle intensité qu’à les voir bruyamment laper leur potage, l’œil tourné avec indifférence vers leur écran, il lui prenait des envies de meurtre.
Il y avait aussi les cicatrices en travers de son dos. Là où les balles avaient failli toucher la moëlle épinière. Il y avait son boîtillement, cette démarche hésitante qu’il traînerait jusqu’à la fin de ses jours. Il y avait surtout sa famille, ses amis restés là-bas… ceux qui étaient déjà morts, ceux dont il était sans nouvelles, ceux qu’il avait parfois (souvent !) le remords de trahir en jouissant de cette paix et de ce confort immérités. Enfin, ce confort… tout était relatif … Mais un squatt et quelques petits boulots au noir, même pénibles, même mal payés, c’était déjà mieux… que… là-bas…
Il serra au fond de sa poche, pour se redonner du courage, les faux papiers qu’il venait enfin d’obtenir au nom de Michel Drot. Sa peau à peine hâlée, ses yeux clairs rendraient la mystification plausible. Il attirerait moins l’attention que ses compagnons de galère à qui leur peau sombre, leurs yeux bridés valaient des contrôles à répétition. Ces précieux feuillets lui avaient coûté la quasi-totalité de ses maigres économies. Grâce à eux, il espérait trouver du travail, un logement, une identité, même fausse, qui lui permettraient de faire venir ici… peut-être… ceux qu’il aimait… peut-être… s’il parvenait à retrouver leur trace…
Une fois de plus, en passant devant le trompe l’oeil paisible de la façade qui lui assénait son bonheur bourgeois, artificiel et désuet, il se dit que ce pays d’’ »accueil » où il était venu jouer sa fortune était lui aussi un trompe l’œil, une façade peinte sur un mur épais et obtus. Une maison dont les portes restaient verrouillées, dont les vitrines affichaient une fausse transparence et dont les escaliers avenants ne menaient nulle part, parce qu’on ne pouvait les emprunter qu’à condition de faire partie de l’illusion générale.
Laissant l’image derrière lui, il bifurqua dans la rue baignée de soleil.
Trompe l’œil ou pas, il finirait bien par trouver sa place. Son vrai prénom, celui qu'avaient choisi ses parents, c’était Slobodan. Dans sa langue, ça voulait dire : « libre ».
Photo : Alphomega
28.09.2012
Texte à paraître prochainement, placé sous copyright.
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"Alis au Pays des Merveilles"
avec 2 classes de CM1-CM2 de l'école Elie Reumauxà Freyming-Merlebach (Moselle, France)
Année scolaire 2010-2011
Les enfants ont donné leur avis sur les différentes maquettes de couverture et sur les illustrations d'"Alis au Pays des Merveilles" (réédition 06/2011) en cours de création : comment imaginent-ils les scènes, les personnages ? Que pensent-ils des images déjà terminées ? Leurs ressentis, leurs remarques, leurs choix de coloriage nous ont précieusement guidés dans notre travail commun, Didier Eudes (l'illustrateur) et moi.
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" Histoires à grandir debout " 2010 2013 2010 Edition texte
168 pages
(format 14,8 X 21 cm)Edition illustrée (couleur)
par des photos de Sébastien MONCHAL
180 pages
(format 14,8 X 21 cm)Edition illustrée (couleur)
par l'auteur et de jeunes lecteurs
236 pages(format 14,8 X 21 cm)
18 euros 20 euros le livre
12,99 l'e-book
23 euros le livre
14,99 euros l'e-book
Ce recueil regroupe les cinq contes :
" Mona et Nommy ",
" Alis au Pays des Merveilles "
" Le trésor de Sileou "
" Anam Cara"
" La mare-haine "Voir l'album de travail et les essais (édition 2013)
Voir les illustrations définitives (édition 2013)Feuilleter le début de l'édition ados - adultes
Feuilleter le début de l'édition jeunesseLe livre est disponible sur Amazon.fr, Chapitre.com, Decitre.fr, Fnac.com, Cultura.com
et chez ses éditeurs : The Book Edition (éd. texte), Books on Demand (éd. illustrées).
L'e-book est en vente sur Amazon.fr, iTunes, Thalia.de, eBook.de .
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13 euros
Enfants à partir de 9-10 ans, ados et adultes.
Voir l'évolution des images au fil du travail
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N.B. : Les délais de livraison chez Amazon, Decitre ou Chapitre sont plus longs, mais en plus des 5% de remise, vous pouvez bénéficier de la livraison gratuite de vos achats (lire les conditions sur leur site).
Vous pouvez aussi commander le livre en librairie grâce à son ISBN : 9782810613953. Voir avec votre libraire.
Texte : Sylvie PTITSA - Illustrations : Didier EUDES - 112 p. - Format 14,8 x 21 cm
Ce récit d'aventures "crypté" était déjà paru sans illustrations, ainsi que dans le recueil "Histoires à grandir debout" où l'histoire était accompagnée des dessins de la petite fille pour laquelle je l'avais écrite à l'origine.
La nouvelle édition, illustrée par 14 compositions pleine page de Didier EUDES, fait la part belle à l'image et aux couleurs.
Le résumé :
Passez-vous votre temps à poser des questions ? Des questions auxquelles les autres ne savent pas répondre ? Et qui vous donnent envie de poser encore d’autres questions ? Alors... il se pourrait bien que vous vous entendiez avec Alis, dix ans, pull arc-en-ciel, fan d'équitation et héroïne de ce livre.
Alis a des points communs avec l’Alice de Lewis Carroll et de Walt Disney, mais son Pays des Merveilles, ses choix et ses rencontres sont différents des leurs, car son voyage et sa quête ont un but bien précis.
L'histoire d'Alis peut se lire de plusieurs façons :
Comme une belle aventure au pays de l'imaginaire, ponctuée de surprises et d'éclats de rires.
Comme un message secret à déchiffrer : chaque nom de pays ou de personnage est un anagramme ; ses lettres, placées dans un autre ordre, forment des mots qui, pour certains, vous sont familiers... saurez-vous retrouver lesquels ?
Comme une aventure intérieure, enfin : si vous avez envie de savoir qui vous êtes vraiment … que penserez-vous de la réponse d’Alis ?
Mots-clés : aventure - fantastique - voyage - humour - imagination - astrologie - connaissance de soi
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